TEMOIGNAGE DE JULIE (septembre 2004)

Je m’appelle Julie et j’ai 47 ans. J’ai grandi dans une famille entièrement régentée par ma grand-mère et je me souviens de m’être violemment opposée à son autorité. J’étouffais. J’ai toujours été attirée par le sucré et les obsessions ont commencé très tôt. Mais à cette époque, il n’y avait pas de nourriture sucrée à ma portée. Les crises ont commencé à l’âge de 15 ans. Il m’était impossible de dire non même si je volais cette nourriture et en éprouvait beaucoup de culpabilité (et des douleurs d’estomac). Les crises se sont maintenues à 1 ou 2 par semaine pendant 17 ans. A 32 ans, j’ai divorcé et je me suis retrouvée seule avec mon petit garçon de 3 ans. La rupture affective a amené une énorme souffrance et des crises quotidiennes, le soir. Ces crises ne m’ont pas alarmée car je savais que je souffrais. Ensuite avec le temps, je pensais que j’allais cesser d’en faire. Au contraire, elles commençaient plus tôt dans la journée et augmentaient en quantités. Je me sentais seule et incomprise. Cela a duré 6 ans. J’ai commencé à en parler à des médecins, des psys mais les crises étaient toujours là.


J’ai croisé sur un lieu de vacances une personne anorexique-boulimique qui m’a parlé de son rétablissement grâce au programme des Alcooliques Anonymes. Je n’avais jamais fait le rapprochement entre les deux dépendances. Après quelques semaines et à bout de force, j’ai franchi la porte des AA (j’avais téléphoné pour savoir si je pouvais assister à une réunion). J’ai été très bien accueillie et pour la première fois, je me suis sentie bien. Je pouvais parler. J’ai continué les réunions et j’en fais encore aujourd’hui. Il m’a fallu du temps pour accepter le mot « maladie » mais quel soulagement. Je suis malade et non coupable. La volonté ne peut empêcher les crises. Au contraire, j’ai dû les accepter pour ne plus avoir honte et me sentir constamment en échec. Elles ont encore duré deux ans. Pendant ce temps je me suis investi dans la création d’un groupe et dans ma première étape du programme. Et puis, un jour, je me suis rendue compte que je ne faisais plus de crises. J’étais capable de m’alimenter correctement, de laisser de la nourriture dans mon assiette quand je n’avais plus faim ou de savourer un dessert. Dans la sobriété alimentaire, j’ai constaté à mon grand étonnement que je continuais à souffrir car j’utilisais d’autres « alibis » pour cela. La prise de conscience de cette souffrance gratuite que je m’infligeais m’a énormément aidée. Je ne souffrais pas à cause de…mais je souffrais parce que j’étais malade. Et puis, un jour, la souffrance est partie. Alors j’ai pu avancer dans le rétablissement, un jour à la fois. J’ai aujourd’hui six ans de sobriété alimentaire et je suis heureuse de vivre !

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